On oublie jamais vraiment qui on est, hein ? Ce qu’on a fait ou pu faire par le passé. Tu avais décidé de tourner la page. Selon toi, personne ne t’avait vu, c’était un accident, après tout elle n’avait qu’à pas venir sur TES frontières, elle l’avait bien cherché. Juste pour un rongeur, en plus. Ce petit rongeur ne pouvait pas courir dans une autre direction ? Il y avait ton odeur sur son pelage, mais tu espérais qu’elle y soit moins présente. Enfin, après tout, c’était près de ton territoire, alors, on ne pouvait pas t’accuser d’avoir failli à ta tâche de gardienne. Mais au fond, tu te demandais si ça en valait vraiment la peine. Tu es devenue lieutenante quelques jours plus tard ; et si ça avait été faux, malheureusement pour toi tu te serais dénoncée et aurait sombré dans la tristesse. Mais tu n’en a plus le droit maintenant, et ça, tu le sais pertinemment. Tu ne peux pas abandonner ton clan, et tu espères que cette chatte, là-haut dans le ciel, te pardonne. Même si tu es persuadée du contraire, elle doit te maudire.

Avec le temps, tu te dis que tu as presque réussit à oublier ; tu es convaincue que c’est un accident et ça te suffit largement. Mais Ils en ont décidé autrement, hein ? Le Clan des Etoiles était resté silencieux. Ne pouvait-il pas dire : fais preuve de moins de fougue, plus de sagesse, tu ne sais pas, des conneries comme ça, non, ils ne pouvaient pas ? Un simple rêve aurait sauvé cette pauvre chatte ! Et maintenant, ils veulent que tu t’en souviennes, c’est ça ? Mais c’est quoi ces chats ? Tu ne les comprendras décidément jamais ! Tu te souviens que a mère t’avait dit que le clan des Etoile envoyait souvent des signes flous. Mais ils sont tarés, surtout. En fait, tu te demandes même si ça leur plaids tant que ça de voir des chats mourir. Ne pouvaient-ils pas envoyer un message pour prévenir que ton frère était fou, ou quelque chose du genre, non ? Ah, arrête. Le passé, c’est le passé. On ne peut pas revenir en arrière. C’est comme ça.

Cette nuit-là tu t’étais couchée dans ton coin, et tu avais senti quelque chose de mauvais. Mais tu n’y avais pas prêté attention. En effet, tu avais rêvé de la scène encore une fois. Ses supplications... Elle te suppliait. Pourquoi ne pas t’en tenir à ça ? Pourquoi avais-tu été si idiote ? Te croire plus forte, c’était ça. L’adrénaline de prouver que tu étais supérieure à ces autres clans de pacotille ! Ta gloire, la gloire de ton clan. Tu pensais repousser méchamment cette chatte, en parler à ton chef et ainsi, son clan se serait fait critiquer durant l’assemblée et on aurait remarqué ta bravoure. Aaah... La jeunesse t’avait fait idiote. Mais au lieu de ça... Tu l’avais poussé. C’était si fragile, une vie. On pouvait la malmener comme le vent sur une fleur, et l’arracher d’un coup. Si frêle...

Tu t’étais réveillée avec presque les larmes aux yeux. Tu te décidait à chasser, parce que tu te dirait que tu pourrais noyer ta souffrance comme ça, du moins essayer du mieux que tu pouvais, parce que tu savais bien que ça ne suffirait pas, mais il fallait t’en convaincre toi-même et réparer ton cœur honteux. Mais un détail occupait tes pensées... Il y avait des yeux dans le noir. Tu avais dû négliger ce détail, sur le moment, mais ces yeux... Comme ils étaient bas sur patte, tu en déduis que c’était un jeune chat ayant surpris la scène... Non, tu avais du rêver. Tu sais bien qu’il y a pleins de rongeurs aussi haut qu’un chaton et dans le pire des cas c’était un renard ou un truc du genre, tu décidas de ne pas t’inquiéter plus de ça.

Malgré ce que tu avais décidé, ton état pris les rênes de la chasse et te fit rater trois proies. Tu tentas de te concentrer en chassant vainement la quatrième, mais rien ne marcha. Il fallait s’y attendre ; tout ça t’avait trop perturbé. Pourquoi maintenant ? Tu trouvais que c’était étrange. Tu vis un guerrier au loin. S’il te voyait chasser comme un apprenti malade, il allait trouver ça bizarre. De plus, il te semblait que t’avait pas ta meilleure tête, alors tu décidas d’aller sur les Terres libres, mais aussi vers un point d’eau tout simplement, pour la bonne raison que tu avais toujours considéré les points d’eau comme « recueil » pour ta mère. On avait retrouvé son corps, certes, mais tu ne veux pas te recueillir là où repose son corps, plutôt là où tu avais laissé son âme. Tu trouvas un pont de pierre et jugea qu’il était parfait pour l’eau. Tu montas dessus pour regarder l’eau, c’était plutôt reposant.

Silencieusement, tu priais ta mère de t’apporter le moindre conseil, aussi inutile soit-il. N’entendant rien, comme tu t’y attendais, tu poussas un long soupir en tapant ta patte sur la pierre moussue si froide ; oui elle t’accueillait comme il le fallait. Tu ne méritais pas mieux, au fond. Tu entendis du bruit. Etrange que tu ne l’aies pas remarqué à son odeur ; tu étais trop occupée ; tu tournes la tête vers celui qui en a causé et tu crache :

-Qui est là ?!