L'obscurité m'envahissait tandis que je regrettait soudain ma subite envie de lapin. Ayant repéré sa senteur parfumée, l'eau m'était montée à la bouche et mes instincts de chat sauvage avaient pris toute la place dans ma tête. J'avais suivi aveuglément ce lièvre même si je l'avais perdu de vue à plusieurs reprises. Autour de moi s'était fait entendre un bruit de cavalcade, comme si un autre félin l'avait pris en chasse. Furieux, je m'étais mis à courir encore plus vite. Pas question qu'un chat de clan me prenne ma proie. Techniquement, j'étais aussi un chat de clan, mais seulement depuis une lune, et, en plus, involontairement. Il fallait bien que j'essaie tous les moyens pour retrouver ma mère ! Toujours est-il que je détestait les clans, leurs coutumes et leurs guerriers (et c'était réciproque)... et qu'un de ces derniers allait voler mon lapin !

Soudain, je remarquai que la lueur des étoiles n'éclairait plus mon pelage. Tournant sur moi-même, je pus voir un bois sinistre m'étant inconnu. Le noir semblait régner, et un frisson m'envahit. Cet endroit était sinistre... !

Comme mis ici pour rajouter un peu d'angoisse au moment, un petit vent frisquet fit entendre sa sinistre chanson dans les rares feuilles survivantes d'un des arbres. Je me rendis soudain compte que je tremblais et essayait de reprendre le contrôle de mon corps. Fichu lapin ! L'endroit n'était pas des plus chauds, et je me tentai de me convaincre - sans succès - que mes frissons étaient dû au froid. Soudain, une pensée s'imposa à moi. J'avais bien remarqué que nous étions deux à poursuivre le lièvre. Où était-donc ce chat voleur de gibier ? Si lui aussi courait à la poursuite du rongeur, il avait dû prendre le même chemin que moi et finir dans ce bois. Alors, pourquoi est-ce que je sentais deux odeurs ici ? Un autre félin avait voulu faire un balade et avait pensé qu'une sinistre forêt noire et squelettique serait parfaite ?

J'hésitais. Devais-je immédiatement tenter de trouver une sortie, ou aller espionner les deux guerriers ? Mon hésitation ne dura pas longtemps. Tournant le dos à l'endroit où j'étais rentré, je me mis à la recherche des matous. Ils n'étaient pas bien compliqués à trouver. Je vis rapidement un chat noir et argenté, les oreilles dressées, à l'affut. Effectivement, il semblait que l'autre félin, mon voleur de lapin, se trouvait de l'autre côté.

Reniflant pour savoir où précisément se trouvait-il, l'odeur du bois m'envahit alors de plein fouet. Une odeur de décomposition, de feuilles mortes, de charognes. Si les forêts avaient un mauvais côté, ce bois le représentait.

Tentant d'ignorer l'odeur, je décidais de me montrer à découvert.

- Tu sais, c'est lâche de se cacher, lançai-je à mon voleur, celui que je ne voyait pas. Même si la plupart des guerriers ne peuvent pas vraiment être traités de courageux. dit-je cette fois à l'intention du chat noir.

Et hop. Une petite pique lancée sur tous les guerriers me permettant d'en insulter un précisément. J'adorais faire sortir les autres de leurs gonds. Ils me détestaient, alors je n'avait rien à perdre... Et puis, c'était marrant.