Clumsiness is not a fault, it's a quality
La saison de feuilles vertes arrivait à sa fin. Il n'était guère compliqué de le deviner. L'air était en général beaucoup moins chaud et une fraîcheur faisait quelques timides apparitions à l'aube. Les rayons du soleil, même lorsqu'ils touchaient votre pelage, n'étaient plus aussi chaleureux qu'il y a une lune. Et même les oiseaux commençaient à fredonner l'étrange mélodie des feuilles mortes.
D'un regard circulaire, Souffle de Alouettes se mit a observer tout autour de lui. Tout autour de lui, la forêt bruissait d'une foultitude de bruits différents. Là, la cri aiguë d'une pie. Ici, la trace du passage d'un animal encore plus gros qu'un chat. Un chevreuil, peut-être. Et là-bas, dans le fourré, toute une famille de musaraignes, qui ne semblaient guère gênées par la présence du matou. Elles savait qu'il n'était pas un danger pour eux, qu'il n'était pas là pour les chasser. Un peu plus loin, le bruissement de feuilles et le tendre craquement d'une branche sur laquelle on prend appui. L'écureuil prend à peine le temps de mesurer son saut qu'il s'élance, la queue en balancier pour se rattraper, et les pattes de devant prêtent à s'agripper au tronc. Voilà donc l'agilité quasi légendaire et pourtant si peu remise à sa juste valeur, de l'écureuil. Et voilà ce que l'on peut écouter, voir, sentir, lorsqu'on est attentif. Lorsqu'on sait pourquoi on est à cet endroit, à cet instant précis. Les chats des clans ne savent pas ce que veut dire être attentif. Ils pensent qu'il s'agit simplement de pointer les oreilles en avant pour repérer sa proie, et de faire attention à ne pas se faire remarquer par le rongeur. Mais bien sûr, ce n'est pas que
ça. Souffle des Alouettes le sait. Il sait ce que veut dire être
attentif. Dans ses jeunes lunes, avant qu'il ne devienne le guérisseur du clan, il était un guerrier mais avant tout, il était un
traqueur. Il ne faisait pas qu'observer la forêt, il l'a sentait, et pensait comme elle. C'était de cette manière que son mentor lui avait appris à être utile à son clan. Et c'était avec son apprentissage en parallèle de celui de guerrier qu'il avait apprit à écouter la forêt, à entendre ses plaintes et à écouter ses mœurs.
Sentant les battements de son cœur ralentir progressivement, le matou bicolore reprit sa progression. Il s'était simplement arrêté là pour entendre encore une fois le chant si particulier de la forêt. Maintenant qu'il était guérisseur, qu'il n'avait plus les mêmes obligations qu'avant, il ne pouvait plus se permettre autant de nonchalance et de désinvolture qu'auparavant. Tout au fond de lui, il ressentait le besoin de s'arrêter à un endroit - n'importe lequel. Dès lors, il tendait l'oreille et était complètement absent. Tant pis si on lui avait confié une mission, celle-ci devrait attendre un tout petit peu. Mais n'était-ce pas un peu contradictoire ? Il ne pouvait plus être aussi insouciant qu'avant et pourtant, il se permettait toujours ces étranges ballades ...
Souffle des Alouettes se trouvait maintenant en bordure du Champ des Echos. Celui-ci, malgré la venue prochaine de la saison morte, se trouvait toujours plein d'herbes, les unes plus hautes que les autres, avec parfois quelques fleurs qui dépassaient de cette masse verte.
On dirait qu'ils veulent tous rejoindre le ciel ...Ici, impossible de se repérer convenablement. Il fallait prendre pour repère le ciel, ou plutôt le soleil, lorsqu'il était décidé à sortir le bout de son museau des nuages dans lesquels il était caché. Et le guérisseur, bien que sachant cela, ne put s'empêcher de ne pas y penser et s'engagea dans la forêt miniature.
Souffle des Alouettes avait la tête en l'air. Et il l'était, tête-en-l'air. Enfin, façon de parler. Donc, je ne vous étonnerai pas en vous disant qu'il ne vit pas la sombre masse rousse duquel il s'approchait de plus en plus, pas plus qu'il n'entendit les quelques mots que l'autre félin venait à peine de prononcer. Sans quoi, il ne se serait pas prit les pattes dans une minuscule crevasse, et il ne se serait pas affaler lamentablement sur la moitié du corps de l'autre chat.