Le feu sauvage [...]

« Les Grands Visionnaires de ce monde
n'ont pas toujours raison.
Mais ils n'ont pas toujours tort aussi.»

Du haut des milliers de mètres qui me sépare de la terre, je peux apercevoir les deux corps menus de braves guerriers qui courent dans la forêt sans aucun répit. J’examine leurs mouvements fluides et rapides, leurs pattes qui touchent à peine le sol tant ils vont vite entre les arbres et les buissons des bois. Puis, je demande au Lac des Présages de me montrer plus distinctivement les deux jeunes gens qui courent vers les Hautes Pierres pour venir à moi. L’eau commence à miroiter sur elle-même en tournant dans le sens des aiguilles d’une montre. Les images qui défilent sur la surface du petit cours d’eau changent à une vitesse ahurissante mais enfin, le liquide translucide s’arrête dans un " plouf " sonore.

Je peux à présent distinguer les traits et les contours du visage de mes visiteurs. Aussitôt, je reconnais Étoile d’Émeraude, meneur depuis quelques temps du Clan des Rocs. Ses fins poils tricolores s’éparpillent un peu partout autour de lui, soufflés par le vent et le rythme de la course effrénée du grand chef du Clan des Rocs. Et puis il y a son guerrier. Il m’a l’air fort, respectueux et loyal. Je l’examine à son tour; épaisse fourrure noir encre comme la robe d’une corneille perchée sur les tombeaux des morts et regard aussi doré et verdoyant qu’une plaine ensoleillée. Ses deux braves individus se dirigent tout droit vers les Hautes Pierres.

Je sais exactement ce qu’ils veulent savoir. Les renards. Ils commencent à y en avoir beaucoup sur leurs terres et cela inquiète énormément Étoile d’Émeraude. Avec raison. Les renards sont des êtres sans pitié et d’une cruauté sans pareille. Ils sont sauvages et ne font pas de quartier. Je comprends parfaitement pourquoi ils veulent venir me voir. Mais les seules choses que je pourrais leur dire seront seulement quelques conseils de prudence.

Finalement, après une longue et rude route, ils sont enfin arrivés à destination. Je me penche un peu plus vers la surface du Lac des Présages. Ils marchent lentement, à tâtons, examinant chacune des pierres qui se trouvent sous leurs coussinets. Ils sont anxieux mais tout ira bien. Finalement, ils débouchent dans une vaste salle caverneuse de forme circulaire. En son centre, gouvernant la pièce de sa luminosité céleste, se trouve la Pierre de Lune étincelant de milles feux. L’heure est enfin venue.

Un par un, les deux guerriers se couchent sur le sol humide et glacial des Hautes Pierres. Alors seulement quand les chats du Clan des Rocs s’endorment enfin, je me glisse dans l’eau fraîche et chaude du Lac des Présages et en moins de deux secondes, je fus aspiré par une étrange force qui me tire vers le bas.

Je me retrouve en face d’Étoile d’Émeraude et de son guerrier. Je les regarde tous les deux, espérant qu’ils dorment profondément. Finalement, quand je fus certain qu’aucun des deux n’allaient se réveiller, je dépose mes pattes sur les têtes d’Étoile d’Émeraude et du guerrier au long pelage noir. D’un coup, je fus attiré vers eux et je pénètre dans leur tête. En moins de temps qu’il faut pour le dire, je fus porté jusqu’à leurs rêves.

Je peux enfin commencer mon travail.

Le feu sauvage [...]

Comme toutes les fois où je pénétrais dans les songes de mes visiteurs, un fort vent me gifle le visage de ses griffes invisibles mais pourtant, glaciales. Et dans un bruit sourd, je tombe finalement sur la terre des rêves, là où devrait précisément se trouver mes invités. Minutieusement, je scrute les alentours, mes yeux contournant les formes irrégulières des grandes pierres qui se trouvent sur cette terre et observant attentivement les nombreuses tiges de blés qui sortent mollement du sol. Et puis, je m’arrête sur une ombre floue qui apparaît dans mon champ de vision. Aussitôt, mes lèvres s’étirent pour former un sourire. Je viens de trouver l’un de mes chers invités.

Furie Nocturne. Le jeune guerrier à la fourrure noire comme la nuit et aux yeux jaunes-verts qui me fait penser à un pré. Je m’approche de lui, le plus lentement possible pour ne pas qu’il prenne mon apparition comme une attaque ou une menace. Et d’une voix chaleureuse, j’allais lui souhaiter la bienvenue mais il me prit de court en m’interrompant sur mon élan.

« - Mais qui êtes vous ? Et que me voulez-vous ? »

Il recule de quelques pas, craintif. Est-ce que je suis si épeurant que ça?

« - Êtes-vous Écho du Temps, le défunt du clan de la Terre ? Si c'est le cas, que me voulez-vous, les apparitions sont normalement exclusive aux chefs, aux guérisseurs et aux apprentis et je ne fait parti d'aucune de ces trois catégorie. »

En effet, il ne faisait pas parti des privilégiés qui puissent communiquer avec nous, chats du Clan des Étoiles. Mais je lui ais préparer quelque chose de plus spéciale encore. Je vais lui montrer mes nombreux talents que j’ai acquiers depuis mon arrivée ici. Mais avant même que je puisse dire quoique se soit, un autre chat vient à nous.

Étoile d’Émeraude vint me saluer avec politesse. Au moins, il y en avait un qui savait faire preuve de dignité ici.

« - Bonjour Écho du Temps. »

Je lui répondis sur le même ton chaleureux :

« - Comment vas-tu?

- Je vais bien mais je ne viens pas ici pour prendre de tes nouvelles. C'est à... »

Je lève ma queue dans les airs en secouant de la tête.

« - …À cause des renards. Est-ce bien cela? »

Il semble un peu surpris, mais ne le laisse pas paraître.

« - Oui, as-tu une idée pour nous en débarrassés? »

Oui, j’en avais pleins, mais je ne pouvais point leurs les mentionner.

« - Non mais je peux te donner des conseils.
- Comme ...
- Ne laisse jamais les membres de ton clan les approcher. »

Je le fixe d’un air grave. Je connais la férocité des renards et leur puissance destructrice.

« - Également, personne ne devrait sortir seul du campement. Si quelqu’un doit sortir, qu’il sorte avec une deuxième personne, se serait plus sage et moins suicidaire. »

Je recule de quelques pas pour les observer tous les deux.

« - Tu peux y aller à présent Étoile d’Émeraude. Que le Clan des Étoiles t’accompagne. »

Je me tourne vers Furie Nocturne. Il est un peu perdu. Je lui souris avant de lui dire :

« - Toi tu restes ici. J’ai quelque chose d’important à te dire. »

Dors dans le vent. Dors dans le jour. Montre-lui l’étendu des pertes. L’étendu infinie des dégâts que pourrait cause cet élément de la nature. Dévastateur, sans pitié et affamé. Il dévorera tout sur son passage, léchant les côtes des rivages et le flanc des montagnes. C’est bien triste tout ceci mais, c’est ainsi que la vie pourra poursuivre son chemin. Le destin l’a choisit ainsi.

Brusquement, le temps s’est arrêté. Les papillons ont arrêtés de planer dans au-dessus du champ de blé. La brise légère qui soufflait sur les tiges dorées s’est stoppé, laissant dans son sillage du blé figé dans les airs. Je reste calme. Ce qui inquiète plutôt le jeune chasseur devant moi est le paysage ravagé et enflammé qui s’étend à l’horizon et qui a remplacé la paisible prairie où nous nous trouvions quelques instants à peine.

Il est sceptique et n’arrête pas de me jeter des regards interdits Je garde mon air posé et serein, contemplant les flammes brillantes qui avalent les arbres et les buissons, ne cédant pas à la panique comme Furie Nocturne. Pas besoin, puisse que je sais que tout ceci n’est pas réel. Pourtant, il ne tardera point à le devenir s’ils ne font pas quelque chose.

« - Que vouliez vous me dire de si particulier? »

Je ne lui réponds pas, mon regard toujours plongé à travers les bois calcinant et le feu qui crépite, qui hurle de malice.

« - Et je voudrais savoir pourquoi avez vous changer de paysage, pourquoi suis-je ici? »

Sa voix tremble comme s’il est pris de soubresauts incontrôlables. Il pose beaucoup trop de questions. Rien ne sert de courir, il faut partir à point, comme disait le vieux dicton. Et s’il patientait un peu, Furie Nocturne saurait de quoi il s’agit, et pourquoi je l’ais amené dans un endroit pareil.

Soudainement, un arbre carbonisé tombe lourdement devant nous. Des étincelles s’échappent de ses feuilles rongées par les flammes. Je ne bouge pas d’un poil. À mes côtés, Furie Nocturne a recommencé à s’agiter et je pense bien que je devrais bientôt mettre fin à la vision. D’un mouvement ample de la queue, le paysage change de nouveau. Un monde blanc et immaculé apparaît. Nous pouvons encore apercevoir la fumée chargée d’encens qui s’échappe d’une forêt lointaine et calcinant.

Je me retourne en direction de Furie Nocturne. Il semble un peu plus détendu. Cependant, il réclame, à présent, quelques explications de ma part. Que je m’empresse de lui fournir, le plus calmement possible.

« - Tu as vu? Les renards ne sont pas les seules menaces qui toucheront votre Clan - que dis-je - la forêt. »

Je lui tourne le dos avant de le regarder par-dessus mon épaule.

« - Préparez-vous. Le feu est un élément de la nature particulièrement malin et sauvage. »

Et je disparus dans une traînée de poussières.