Les premiers rayons du soleil filtraient à travers les branchages de la pouponnière. L’astre de feu réchauffant l’air. L’odeur enfantine du lait flottait dans l’enceinte paisible. Une légère agitation se fit entendre à travers la barrière de protection, troublant le sommeil d’un jeune chat.

Réveillé par les bruits de pas à l’extérieur, je me relevais lentement tout en étirant soigneusement mes membres endoloris par la fatigue de la veille. Effectivement, j’avais appris que mon baptême approchait. Ayant atteint récemment mes six lunes, j’étais constamment sur le qui-vive. Le moindre bruit me tirait instantanément du monde des rêves, dans l’espoir que l’heure soit enfin venue. Ce qui fut le cas en cette belle et chaude matinée. Je m’empressais de faire ma toilette et fila dehors. L’appelle avait sans doute déjà eu lieu car leur meneuse était jonchée sur le promontoire et dit d’une voie peu forte :

« Si je vous ai réunis de si bon matin c’est pour célébrer le baptême d’un nouvel apprenti. »

Je ne m’étais donc pas trompé. Aujourd’hui avait bel et bien lieu le début de mon passage de chaton à apprenti ! J’allais enfin pouvoir commencer mon apprentissage ! Un seul point d’ombre demeurait. Qui allait bien être mon mentor ? Ma mère ne m’en avait pas parlé, et Etoile d’Aurore ne l’avais pas non plus évoqué. Je trépignais d’impatience. Ma curiosité était à son zénith. Je m’avançais, fourrure satinant légèrement au contact avec la luminosité du soleil, lorsque notre cheffe prononça ces quelques mots :

« Petit Silex approche. Tu as six lunes désormais il est temps pour toi de devenir apprenti. D’ici à ce que tu reçoives ton nom de guerrier tu t’appelleras Nuage de Silex. »

J’avais enfin mon nom d’apprenti ! Je m’appelais à partir de ce jour, Nuage de Silex. Quel joli nom ! Tous les regards étaient fixés sur moi. J’agitais faiblement ma queue en signe de gêne tout en espérant que personne ne le perçoive. A présent que ma nouvelle identité était révélée, il ne restait plus qu’à apprendre le nom de mon mentor. Je passais tous les visages de ces guerriers aguerris et emplis de mérite. Je n’en avais absolument aucune idée. Le temps d’attente devenait de plus en plus insupportable. Je fixais cette jolie féline qui surplombait l’assemblée. Peu des chats présents l’appréciaient au début, m’avait raconté ma mère, mais moi je la vénérais. Le courage dont elle était munie était si incroyable après toutes les épreuves qu’elle avait traversées durant son existence. Oui, je n’avais aucune honte à le dire, et s’il fallait que je le cri dans toute la forêt, je le ferais et le referais sans l’ombre d’une hésitation. Et cela me fit mal au cœur lorsque j’aperçus l’expression de la chatte. Ou plus exactement, son absence d’expression. Elle avait les yeux vides, sans vie. Aucune émotion ne filtrait de son regard. Seules ses paroles passaient la carapace de son visage inerte, déserté de tout sentiment. On aurait presque que dit, dans un lapse de temps minime, qu’elle ressassait des souvenirs appartenant à un passé douloureux. Et cela me déchira une nouvelle fois le cœur. Qu’est-ce qui pouvait bien lui rappeler un instant ainsi lors d’une cérémonie de baptême ? Le regard d’Etoile d’Aurore se posa sur un félin que je n’aperçus guère car mes pensées étaient dans le vague. Mon esprit était embrumé par rapport au corps sans émotion se postant sur le promontoire. Qu’avait-elle bien pu vivre pour se retrouver dans un état pareil ? Elle finit par reprendre la parole au bout d’un moment, me tirant avec force de mes songes éveillés.

« Ecureuil Fauve, je te confie l’apprentissage de ce novice. Tu es un guerrier loyal et sage, je sais que tu mèneras Nuage de Silex dans le droit chemin. J’ai confiance en toi. »

Un bonheur immense m’envahissait à l’annonce de mon mentor, oubliant tous mes tracas qui avaient brutalement surgit un peu plus tôt. J’étais l’apprenti d’Ecureuil Fauve ! Un guerrier que j’admirais beaucoup et qui, par la même occasion, avait eu la chance d’être l’apprenti de notre meneuse ! Nous nous rapprochions l’un de l’autre jusqu’à nous toucher le museau. La foule scandait nos noms, signe de mon nouveau départ et de ma nouvelle place que j’occupais désormais au sein du Clan du Sable. La fierté d’être enfin reconnu en tant que novice, et non plus en tant que chaton encombrant, fit son apparition. J’allais pouvoir rendre service à mon Clan, et je comptais bien le faire du mieux que je pourrai. Toujours face à mon nouveau mentor, je lui demandais d’une voie étouffait par les clameurs de nos camarades :

« Quand est-ce que nous débutons l’entraînement ? »

Je ne tenais plus en place. Mon impatience se voyait à travers tous mes gestes, mais je ne pouvais en aucune façon la contenir plus longtemps.