C'est vraiment drôle. Je profite de chaque seconde et ce n'est que le début. Elle se débat bravement mais elle ne fait pas le poids face à moi. Elle essaie même, et je pense qu'elle sait que ses efforts sont vains, de me griffer mais ses mouvements sont restreints à cause de mon étreinte qui est, serrée. Je cherche son cou. J'ouvre d'avance grand la gueule, histoire de ne pas traîner. Si quelqu'un me voyait... Mon image serait rudement bien tachée. Elle tente aussi de me balancer je ne sais où à l'aide de ces petites pattes. Les yeux flamboyants -ce qui ne présage rien de très bon- et je plonge sur elle une seconde fois, avec plus de force. Je suis à présent en train d'essayer de « remonter » afin d'appliquer soigneusement mon instrument là où il faut. Je fais tout vite car c'est plus du désir que de la passion, je n'identifie cette chatte comme étant seulement membre du clan du Sable, un point c'est tout. Guerrier ou apprenti, aucune idée, elle est surtout une femelle et c'est ce que je veux. Je suis en train de la violer, je m'en fous de qui elle est, si elle ira pleurer auprès d'Etoile d'Aurore ou pas, qu'importe. Enfin, Etoile d'Aurore, ce n'est pas ça qui me fait peur, le clan du Sable ne me fait pas peur de toute façon... Je presse mon corps contre celui de la femelle avec brutalité, l'enserre avec un étau de fer, sans oublier de griffer et mordre au passage. Ca me donne des frissons glacés, cette pression dont je suis le maître. Et j'adore ça. Je siffle dans son oreille droite d'une voix grave ;  « N'essaie pas de fuir, ce sera encore pire. »

Plutôt crever. Alors soit, tu crèveras.
J'ai laissé une brèche. Un trou béant dans lequel je pensais qu'elle se jetterait tête baissée. Je suis bête. Si naïf. Qu'est-ce que je croyais? Qu'elle se retournerait, qu'elle me regarderait d'un air ébahi, qu'elle resterait sur place, qu'elle ne m'échapperait pas? Qu'elle serait à ma merci? Voilà que le contraire se produit. La femelle fait volte face. J'ai juste le temps de voir une patte griffue fondre sur moi comme un rapace affamé. Mais pas n'importe où. Mon visage, je vois sa patte se rapprocher à une vitesse fulgurante, mon réflexe est félin. Fermer ses yeux. Vite. Je ne tiens pas à devenir aveugle. Ma vie serait gâchée. Autant laisser ma gorge sous la patte d'un ennemi, pour qu'il en finisse. Je ne déteste pas l'obscurité mais je ne supporterais pas d'être privé de la vue. Je ne supporterais pas de ne pas pouvoir rire de la tête que tireront mes ennemis, ces chats qui ont foi en un groupe d'Etoiles inexistantes. Je préfère mourir que passer ma vie allongé dans la tanière des anciens, qu'un apprenti m'apporte une pièce de viande parce que je suis un être faible, encombrant et une bouche à nourrir juste inutile. Mais je n'avouerais jamais ma faiblesse, même si je suis sur le point de crever.

Elle frappe avec force. Ça fait mal. En plein dans la truffe. La douleur me laisse presque tremblant. Vous devez savoir, ça, un chat est très sensible au niveau du museau. Taper là est une souffrance insoutenable. Je ferme les yeux tant elle est grande. Je sens des perles de sang qui dégoulinent sur mes joues, pour finir dans ma gueule que j'ouvre à demi. Le contact avec ma langue est métallique, fascinant. Mais il s'agit de mon sang. Qu'elle a fait couler. Il faut que je me venge. Je ne m'attendais pas à cela, pas à un coup si puissant venant d'une femelle si jeune, qui parait de force moyenne, avec une allure plus fluette que menaçante. Je me crispe un instant. Et je tâche de me concentrer. Elle ne peut pas fuir si facilement! Je refuse. J'aimerais bien me relever au lieu de gémir intérieurement parce que ma truffe me brûle, parce que je me sens humilié et que je perds ma crédibilité là. Je me redresse et secoue la tête rapidement.
Je la vois, elle n'est pas bien loin. Je peux la rattraper. Pas le temps de passer un coup de langue sur mon poitrail, pas le temps de m'attarder encore plus. Je bande les muscles et commence à courir entre les petits arbres. A sauter quand du bois mort se présente. Je veux la rattraper. Mais elle a de l'avance. Pas mal en fait. J'ai mal calculé. Alors je vais plus vite, je ne dois pas la perdre des yeux. Parce que je ne connais pas ce territoire et que je serais donc vulnérable. Je hais ça.Je me suis rapproché, elle est à quoi? Huit ou neuf queues de renards? J'inspire et m'élance une fois de plus. C'est la bonne. Je suis tout près. C'est maintenant ou jamais. Je me propulse à l'aide de mes pattes arrières et tends celles de devant, toutes griffes dehors pour couper son élan, sa fuite.Ça c'est joué de peu. Je le sais. Mes pattes ont frôlé son pelage. Je suis furieux contre moi même. J'ai été faible en m'apitoyant sur mon sort. Mais ce n'est pas terminé. Ah non. Pas question. Je me dis qu'après ça, je filerai sans demander mon reste, je masquerai son odeur de mon poil gris et je mentirai en disant que je n'ai pas trouvé de gibier, et si on me demande pourquoi, je répondrai "l'incendie" pour faire culpabiliser Etoile de la Buse. Et le sang que j'ai sur moi? Quelle excuse? Je ne mentirais pas, je dirais que j'ai rencontré un chat ennemi et que je me suis battu. Je poursuis ma course folle en ne retenant pas ma hargne, ma colère aussi. Je finis par planter mes griffes dans son flan. A m'agripper, à m'accrocher. Mais elle s'agite, elle se débat, elle lutte et j'ai aussi mal là où elle m'a griffé férocement. Haletant, je penche sur elle. Le sang coule toujours. Près de son cou brille un filet sang, son arrière train aussi. Je reprends les secousses, je mords son cou mais je sais que ça ne durera pas. Je ne sais pas où est son camp, si ça se trouve, il est à quelques pas. Mais je tiens à ne pas m'avouer "vaincu". A souligner que si je le veux, je peux recommencer. Que c'est moi qui mène le jeu. Les deux minutes où je suis à nouveau sur elle défilent assez vite. A la fin, je me lasse presque.

Je rentre les griffes, me détache entièrement de son corps au coeur qui bat vite comme le mien. Pendant une fraction de seconde, je croise son regard, je ne sais pas vraiment ce qu'est cette petite étincelle. Mais je suis sûr que mes yeux luisent comme à leur habitude. Je lui crache dessus, sans savoir si elle est déjà partie pleurer entre les pattes de sa chef, si elle me scrute en tremblant, si elle me tue, si elle fuit entre les taillis.

Je me retourne et cours à nouveau, j'ai un point de côté mais je ne vais pas attendre une patrouille du clan du Sable. Quand j'arrive à ma frontière, je m'arrête et lèche ma truffe qui saigne encore, mon poitrail et j'essaie de masquer au mieux cette puanteur du clan du Sable. Ils mangent du poisson! Beurk. Je pense à la femelle. Je ne connaissais pas son nom. Je savais juste que c'était une femelle. J'en ai profité et... je ne regrette rien parce que je me suis bien amusé aujourd'hui.
C'est une journée réussie.